La méthode des 3 Souffles

Alliance de l’hypnose et de la médecine traditionnelle chinoise.

La méthode des trois souffles qui associe les principes de la médecine traditionnelle chinoise et l’hypnose est le fruit d’une longue expérience clinique.

Je suis tombée dans le chaudron de l’hypnose médicale, presque par hasard, lors d’un congrès de médecine psychosomatique à Paris. En effet, sur le socle de ma carrière en gynécologie-obstétrique, j’avais déjà installé la médecine chinoise avec ses différentes spécificités comme acupuncture, massages et thérapies manuelles. Il m’est alors apparu qu’au cours des séances d’acupuncture, mes patientes se mettaient facilement en transe spontanée, comme s’il y avait quelque chose d’hypnotique dans la pose des aiguilles. Cela devenait encore plus évident quand je faisais les séances sans aiguille, par mise en résonance des points d’acupuncture du bout du doigt pour rétablir la circulation de l’énergie, c’est à dire la circulation du Qi. J’ai donc rapidement abandonné définitivement  les aiguilles.

Tout dans la bonne santé et le confort du corps semble lié à la circulation harmonieuse du Qi. Quand le symptôme apparaît, et en particulier une douleur, cela signifie que le patient est bloqué dans son corps par un événement physique ou mental qui l’immobilise. En médecine chinoise, on dit qu’il y a une stagnation du Qi. Nous sommes tous d’accord, à la suite des enseignements de François Roustang (1) et de Jean-Marc Benhaiem (2), pour dire que l’hypnose remet le patient en mouvement. L’acupuncture également et l’association des deux, encore plus. Quand j’ai commencé à pratiquer l’acupuncture et l’hypnose au cours des consultations de gynécologie, je faisais l’une ou l’autre, en fonction des circonstances. Je n’ai pas décidé de les associer. C’est avec l’expérience que je me suis aperçue que les deux se mariaient très bien, se complétaient, se potentialisaient pour le plus grand bénéfice des personnes en traitement.

La médecine chinoise présente un large éventail de possibilités thérapeutiques  : protocoles d’acupuncture, massages tui-na, massages énergétiques, travail sur les Merveilleux Vaisseaux, sur les vertèbres, etc… L’expérience aidant, il est devenu clair que certaines de ces techniques s’accordaient parfaitement avec l’hypnose. Je les ai donc sélectionnées et c’est ainsi qu’est née la Méthode des Trois Souffles.

Le premier souffles est la transe hypnotique.

Le deuxième souffle est l’équilibration énergétique au doigt selon les principes de l’acupuncture traditionnelle.

Le troisième souffle est le massage énergétique, c’est à dire massage en fonction de l’organe-viscère et du méridien concernés par les symptômes ou les douleurs exprimés par le patient.

Script de la méthode

Le premier souffle est l'hypnose

Le premier souffle est l’hypnose. La première séance commence par un long entretien qui permet de faire connaissance, de débuter l’alliance thérapeutique et d’initier le traitement par une séance d’hypnose conversationnelle au cours de laquelle le patient, se sentant bien en confiance, révèle de nombreuses ressources, cependant que, de mon côté, je lui glisse déjà quelques suggestions et des encouragements à observer par lui-même ses ressources. Puis, doucement, j’entraine la personne vers une séance d’hypnose formelle très classique avec les outils habituels. Quand la transe est bien établie, j’utilise volontiers les contes métaphoriques et la réification et tout ce qui est capable dans mes paroles de renforcer la confiance en soi de la personne.

Quoi qu’il en soit, je donne toujours des devoirs à faire à la maison en complément de la séance au cabinet, en particulier, des conseils d’auto-hypnose en accord avec des éléments repérés pendant la séance et avec son vakog préféré. Il faut que cela colle à son sujet. Je recommande aussi des exercices d’hypnose musicale (4)  : il s’agit de choisir une petite page musicale que la personne aime bien et qui l’apaise. Elle doit l’écouter trois à cinq minutes par jour, mais pas en faisant autre chose, en y étant très attentive, en entrant dedans, de manière à chasser de son esprit toute pensée perturbatrice, toute autre préoccupation. Chaque jour, on augmente un peu la longueur d’écoute pour atteindre dix minutes. La personne va ressentir progressivement un sentiment de calme intérieur que je l’encourage à bien identifier afin de s’en servir en cas de survenue d’un stress ou d’une quelconque émotion négative. C’est comme une safe place musicale.

person holding woman nose

Le deuxième souffle fait appel aux techniques dérivées de l’acupuncture traditionnelle (3), mais pratiquée sans aiguille, par mise en résonance du bout des doigts des points utilisés. Il serait difficile de décrire ici toutes les techniques énergétiques utilisées sans faire un inventaire qui ressemblerait au grand air du catalogue de Don Giovani. Je vais donc décrire celles que j’utilise le plus souvent.  Précisons tout de suite que c’est un travail très complet car il agit à tous les niveaux de l’organisme  : sur les méridiens bien sûr, sur la peau, les muscles et aponévroses, les os et articulations, les organes et viscères sans oublier le rôle émotionnel voire psychologique de certains points d’acupuncture. Comme le disait Régis Blin, le professeur avec qui j’ai appris ces techniques (et qui les enseigne encore, très loin de la France, jusqu’en Chine) «  on travaille de la cave au grenier  ».

Le choix de la technique proposée dépend des symptômes décrits par le patient mais aussi de ce que j’observe à l’examen de sa langue et de ses pouls radiaux, examen qui fait partie de la démarche diagnostique traditionnelle.

Le travail se poursuit par la palpation des méridiens à la recherche de stagnations ou de vides puis vérification des points d’entrée et de sortie des méridiens. Cela donne une idée globale de la condition de ce patient. Pour une meilleure compréhension de la circulation du Qi dans les méridiens, je vais faire une comparaison avec le métro parisien. Un méridien se présente comme une ligne de métro  : un trajet, le méridien lui-même, avec des stations, les points d’acupuncture. Quand il y a un vide, c’est comme si le métro était vide et ne quittait pas la station  : ça ne transporte pas de voyageurs, pas de Qi. Quand il y a stagnation, le métro est bondé. Il s’arrête à la station qui est elle même bondée mais personne ne peut monter dans le train, ni en descendre…L’acupuncture va harmoniser tout ça, remettre du Qi là où il en manque et remettre les stagnations en mouvement.

Le premier niveau d’intervention se situe sur les méridiens tendino-musculaires. Ce sont des bandes énergétiques qui recouvrent et suivent les méridiens principaux. L’action se fait par un travail sur des points spécifiques  : les Points Réunion  .

Le deuxième niveau est un travail sur les méridiens principaux et leurs points Shu antiques, situés sur les avant-bras, entre coude et poignet, et sur les jambes, entre cheville et genou qui sont palpés dans le sens physiologique de la circulation du Qi. Dès ce deuxième niveau accompli, on a déjà débloqué pas mal de symptômes, résolu pas mal de problèmes. Je fais en sorte de faire ces deux premiers niveaux tout de suite après la première séance d’hypnose car c’est le socle de la méthode. Si pour une question de temps ce n’est pas possible de suite après la séance d’hypnose, je donne un nouveau rendez-vous assez proche, jamais plus d’une semaine entre les deux séances. C’est comme ça que cela fonctionne le mieux.

Ensuite, je contrôle les points Shu du dos qui sont les réserves d’énergie yang de l’organisme et les points Mu, situés sur la face antérieure du tronc, qui en sont les réserves de yin. En les mettant en relation, on obtient une bonne harmonisation yin-yang des organes. Ce travail est très efficace et prend peu de temps.

Le troisième et le quatrième niveau font appel à un travail sur les vertèbres (tout en légèreté, c’est une mise en correspondance de la vertèbre avec le  méridien correspondant, sans manipulation vertébrale, donc en toute sécurité), sur des points du méridien de Vessie au niveau du dos et de la tête, puis sur les points Mer et les points Source des méridiens principaux. Ce travail est long et minutieux et doit faire l’objet d’une séance à part.

Les patients qui viennent consulter un praticien en hypnose, sont souvent dans l’émotionnel, voire dans la souffrance morale et dans la douleur du corps. L’hypnose est, de toute évidence la reine dans le traitement des douleurs physiques et morales. L’acupuncture propose aussi un abord émotionnel par un travail sur les méridiens d’Estomac, de Ministre du Coeur, du Foie, de la Vésicule Biliaire, de la Rate et du Triple Réchauffeur. Je propose ce travail lors d’une séance à part pour les patients résistants, craintifs vis à vis de l’hypnose ou quand, malgré tous mes efforts en hypnose et avec les premiers niveaux et une bonne motivation du patient, je n’arrive pas à obtenir de réponse.

Le niveau suivant est un travail sur les Merveilleux Vaisseaux. On appelle Merveilleux Vaisseaux huit méridiens qui, à l’exception de deux d’entre eux, n’ont pas de points propres mais empruntent des points aux méridiens principaux. Ces méridiens particuliers correspondent aux grands axes du corps  : haut-bas, droite-gauche, avant-arrière, superficie-profondeur. Or, on sait que tout traumatisme, qu’il soit physique  ou émotionnel, a une répercussion sur ces axes. Le patient s’en trouve, en quelque sorte, désaxé. Le travail sur les Merveilleux Vaisseaux remet les axes dans la bonne direction, dans le bon ordre. On peut proposer ce travail directement à l’issue de la première  séance en  particulier en cas de trauma ancien. On peut même, en toute sécurité, le proposer à tous les patients qui consultent pour des douleurs chroniques anciennes, un syndrome post-traumatique ou un état anxio-dépressif. Plusieurs Merveilleux Vaisseaux passent par les chevilles et les épaules qui sont souvent le siège de douleurs chroniques. Débloquer chevilles et épaules fait partie du soin avant le travail sur les Merveilleux Vaisseaux.

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Le troisième souffle fait appel aux massages énergétiques, au niveau du dos, du cou, des membres et du visage. Chaque muscle est relié énergétiquement à un méridien  : par exemple, le Trapèze, si souvent en cause dans les douleurs de l’épaule et du cou est relié au méridien de Ministre du Coeur tandis que le tout petit Splénius Capitis (impliqué dans les torticolis) ou les Dentelés, plus vastes et impliqués dans les dorso-lombalgies, sont reliés au méridien du Foie. Par un travail d’équilibration énergétique au niveau des muscles couplé à un travail sur le méridien, on enlève les stagnations et on obtient une disparition des douleurs par remise en circulation du Qi dans les méridiens.

Le massage du visage, particulièrement hypnotique, est indiqué en complément du traitement par l’hypnose des migraines et de l’insomnie.

C’est donc de cette façon que s’articule l’association de l’hypnose et de l’acupuncture. Voyons trois cas cliniques pour illustrer la méthode.

Lisa, dix-neuf ans, est élève infirmière. Elle vient consulter pour des migraines survenant sans rythme particulier, non associées aux règles, parfois déclenchées par les contrariétés, le stress, les examens. Elle décrit une douleur pulsatile violente, sur le côté de la tête, accompagnée de nausées et de photophobie. Quand la migraine survient, la patiente ne veut que se retirer dans sa chambre, au calme car elle ne supporte plus personne et dans l’obscurité. La migraine a été très bien explorée par son médecin traitant qui lui a prescrit des triptans. Le médicament est efficace mais Lisa «  en a marre de prendre des médicaments  » et veut envisager autre chose et tout particulièrement l’hypnose. Quand je lui demande de me montrer exactement où se situe la douleur lors de la crise, elle passe sa main droite sur le côté de la tête en décrivant un arc de cercle qui va de l’oeil à la base du cou et passant au dessus de l’oreille  : c’est exactement le début du trajet du méridien de Vésicule Biliaire. Son pouls est en corde, c’est à dire un peu trop fort, sa langue est un peu trop rouge. Son visage montre des traits de type Shao Yang, l’interrogatoire révèle des signes de stagnation du Qi du Foie. Cela forme un tout cohérent sur le plan énergétique. Je lui demande à quoi ressemble sa douleur  : «   c’est noir et ça serre  ».

Nous partons d’emblée pour une séance d’hypnose formelle. Une bonne transe avec lévitation de la main droite s’installe facilement pendant que je saupoudre des notions de légèreté, de souplesse, de détente, de confort. Ensuite, je parts sur une métaphore de l’encre de Chine, très noire et très dense qui se dilue progressivement dans l’eau. A la sortie de la transe, elle se dit très détendue.

A la séance suivante, un mois plus tard, Lisa a eu encore une migraine mais moins intense que d’habitude. J’effectue le travail énergétique sur les méridiens de Foie et Vésicule Biliaire puis les massages énergétiques correspondants ce qui libère pas mal de blocages. Je termine par un massage du visage. Nous avons convenu qu’elle me téléphonerait dans un mois  : tout va bien.

Gisèle a soixante six ans. Elle est atteinte de maladie de Parkinson (MP), diagnostiquée il y a quatre ans. Elle prend un traitement classique auquel a été ajouté, depuis deux ans, un antidépresseur. Elle  présente des tremblements des mains et se plaint de douleurs un peu partout. Elle marche courbée en avant, très lentement, avec beaucoup de précautions et d’hésitations. Son visage est figé, sans sourire, sans mimique. Ses gestes et sa diction sont lents.

L’anamnèse révèle une enfance difficile, douloureuse et triste et un mariage qu’elle dit «  assez heureux  » mais elle est divorcée depuis deux ans. Elle a un fils de trente sept ans et deux petits-enfants avec qui elle s’entend très bien. Avant la découverte de la MP, elle était suivie par son généraliste pour spasmophilie puis fibromyalgie. Elle a peur de sortir, envie de ne rien faire…sauf pleurer. Elle me dit  : «  je ne m’aime pas, je prends sur moi comme si je voulais me punir d’être cette Gisèle  ». Je trouve cela très sombre et lui demande quelles sont ses attentes et de fixer un objectif. Elle répond  : «  être plus tonique, plus battante, aller mieux dans ma tête, être souriante comme quand j’avais trente ans  ». Pour une personne dépressive, je trouve cet objectif très porteur. La séance se poursuit par un travail sur l’estime de soi en hypnose conversationnelle puis formelle. Elle me dit avoir eu du mal à trouver une safe place…mais celle qu’elle a finalement trouvée me semble très puissante  sur le plan symbolique  : le berger de la montagne.

Puis, en énergétique, je travaille sur les méridiens de Rein, Rate et Estomac pour redonner de la force et du mouvement à ce corps figé.

Je lui conseille en fin de séance des exercices d’hypnose musicale, elle choisit les bols tibétains, et des exercices physiques légers pour mettre son corps dans une meilleure position… En cas de baisse de moral, elle peut toujours appeler le berger de la montagne…

J’ai revu Gisèle deux fois pour continuer le travail. J’ai lu les poèmes qu’elle écrit et l’ai encouragée à poursuivre ainsi que la mosaïque. Elle marche mieux, se sent mieux et n’a pas eu besoin d’appeler le berger de la montagne au secours.

Quelques semaines plus tard, elle me confie que ses amies sont surprises de ses progrès. On doit se revoir à la prochaine saison.

Ce cas montre bien comment avec l’hypnose on peut faire ressortir les ressources de la personne (écrire des poèmes, faire de la mosaïque, donc des créations artistiques pour cette dame) pendant qu’avec l’acupuncture, on peut faire revenir le mouvement dans un corps figé. Les séances sont également l’occasion de donner de multiples conseils pour l’alimentation, l’exercice physique adapté, l’hygiène de vie en général.

Elsa a quatorze ans. Elle vient accompagnée de sa maman pour des problèmes de peau  : eczéma avec prurit, lié au stress. L’anamnèse révèle de l’asthme ainsi que des douleurs abdominales anciennes sans étiologie. Elle a subi une gastroscopie ayant montré un petit reflux gastro-oesophagien. Elle se dit anxieuse et manquer de confiance en elle. Elle déteste les conflits et me déclare  : «  je suis très académique  ». Elle pratique la danse classique. Elle doit prendre de la Ventoline (broncho-dolatateur) avant chaque cours de danse.

La première séance selon le schéma habituel consiste en hypnose conversationnelle puis transe hypnotique, au cours desquelles je me suis attachée à lui donner des suggestions capables de renforcer sa confiance en elle. Puis j’ai travaillé en ré-équilibrage énergétique sur les méridiens de Poumon et Gros Intestin. En médecine chinoise, Poumon, Gros Intestin et peau fonctionnent ensemble. Puis, un travail sur les points Shu et Mu comme décrit ci-dessus.

Je termine la séance en lui donnant des petits exercices d’auto-hypnose et des exercices respiratoires basés sur sa pratique de la danse classique.

Lors de la séance suivante, sa maman me dit  : «  Elsa m’a dit qu’elle venait de découvrir qu’elle avait deux poumons    ». Elle n’a pas repris de Ventoline, même avant l’effort, ni eu de nouvelle crise d’asthme. Le problème de peau n’est pas résolu et ce jour là, elle présente des douleurs abdominales importantes. En hypnose, j’utilise un conte métaphorique faisant intervenir des vêtements et une ceinture trop serrés que l’on dénoue progressivement. Puis je continue le travail sur le méridien de Gros Intestin et massage des muscles reliés à ce méridien et ceux d’Estomac et Rate. Il n’y a plus de douleur en fin de séance. L’eczéma a été également résolu.

L’hypnose agit sur le corps et sur le mental des personnes en souffrance en leur permettant de retrouver leurs ressources et de quitter l’immobilisme dans lequel elles se trouvent. L’acupuncture permet d’aller en douceur au niveau énergétique le plus profond de l’organisme en redonnant de l’énergie donc du mouvement là où il y en a le plus besoin. L’association des deux travaille donc en synergie, en association de bienfaiteur pour le meilleur bénéfice des patients.

Bibliographie

(1) François Roustang  : Jamais contre, d’abord Edition Odile Jacob août 2015.

(2) Jean-Marc Benhaiem avec François Roustang  : L’hypnose ou les portes de la guérison Edition Odile Jacob octobre 2012.

(3) Giovani Maciocia  : Les principes fondamentaux de la médecine traditionnelle chinoise Edition Elsevier Masson Deuxième édition 2008.

(4) Marie-Elisabeth Fraymonville  : Hypnose, des neurosciences aux applications cliniques, congrès Hypnoteeth, Lisbonne 2018.

Une bibliographie complète peut être communiquée sur simple demande à l’auteur de l’article.